Une rencontre... peut-être
Le 29
Septembre
2015
par Isabelle
Le B-A-BA d'une médiathèque n'est pas d'accueillir que des lecteurs, sinon on appelle ça une bibliothèque, c'est restrictif, c'est obsolète et ce n'est surtout pas très rigolo.
En plus de proposer de la musique, des films et des jeux pour consoles, notre particularité c'est notre espace multimédia que le monde entier nous envie. Tout le monde n'a pas un ordinateur à domicile et surtout, même ici à Rochechouart, sous-préfecture et bucolique petit port de pêche, il y a des endroits ou internet passe moins bien qu'au milieu du désert de Mauritanie (information vérifiée).
Du coup, en treize années d'ouverture, on a vu défiler un paquet de gens venus utiliser les ordinateurs et la connexion qui va bien.
Et, de temps en temps, des demandes originales voire saugrenues quand elles ne sont pas incompréhensibles. Comme ce suédois, norvégien ou finlandais qui ne parlait pas français et dont les quelques mot d'anglais-mâtinés-Grand-Nord étaient au-delà de ma comprenette ; ou encore cette vieille femme toute désemparée qui avait besoin de toute urgence d'un billet d'avion pour la Tunisie, qui ne parlait pas un mot de français et qu'un ordinateur et une souris tétanisaient. Je lui ai trouvé son billet, mais lorsqu'elle a refusé de taper elle-même ses codes de carte bleue, la situation s'est quelque peu compliquée.
Et puis, cet été, la plus jolie des demandes.
Lucien (appelons-le Lucien, mais c'est peut-être Raymond ou Philippe) est entré. Jeune homme de presque 70 printemps, la casquette dans la main et la chemise à carreaux. Tout timide, il a tournicoté un peu dans la médiathèque avant d'oser nous aborder, laissant passer un peu de temps et quelques usagers moins impressionnés que lui. Quand il a été certain que personne ne viendrait attendre derrière lui, il s'est approché et nous a dit qu'il se cherchait une amoureuse, qu'il voulait s'inscrire sur un site de rencontre, mais qu'il n'avait jamais touché un ordinateur de sa vie. Bref, il avait besoin de notre aide.
Emouvant Lucien, encore plus avec son sourire et le rose qui est venu aussitôt colorer ses joues.
Cloués sur place, nous ! Ah ben ça !!!
Qu'à cela ne tienne, on est service public ou on ne l'est pas, et comme on dit : à c?ur vaillant rien d'impossible !
Et c'est François (après tout, c'est lui le professionnel des ordinateurs) qui s'est courageusement lancé.
Création d'une boite mail (« Une quoi ????? » a demandé Lucien) et du mot de passe qui va avec (« Pour quoi faire ????? »). Et François d'expliquer, dans un sens puis dans l'autre. Ensuite, ce fut l'inscription sur le site de rencontre dont Lucien avait entendu le plus grand bien. Ce site gratuit devait lui permettre enfin de trouver l'âme s?ur. Quelques explications plus tard, Lucien s'est retrouvé seul face à son destin. Enfin pour l'instant au moins face à son écran, il a commencé ses recherches.
A chaque clic, il implorait notre aide : complètement perdu, il avait repéré une jolie brunette et était déjà terrorisé à l'idée de la perdre. Chacun notre tour, nous avons volé à son secours, mi-amusés, mi-débordés, nous devions aussi gérer son stress et nous dépatouiller dans les méandres d'un site pour le moins inconnu.
Lucien est reparti épuisé, il est revenu le lendemain avec sa timidité et sa gentillesse, s'est reperdu, a recommencé, nous a expliqué qu'il voulait vraiment contacter sa belle mais qu'il n'y arrivait pas.
Impossible d'abandonner à son désarroi cet homme dont le changement de vie ne semblait dépendre que de nous. On a su très vite où ça coinçait : sur ce site, la seule obligation était de poster une photo. Pas de photo, pas de contact. Oui mais voilà, poster une photo de lui, Lucien n'était pas prêt, il n'osait pas, il avait peur. Non pas que la dame ne le trouve pas séduisant, mais que sa photo, une fois sur le net, circule n'importe où et lui cause tout un tas de problèmes. « Vous comprenez, on entend de ces choses »
Alors Lucien est reparti, tout hésitant. Oh, il fallait qu'il réfléchisse, elle lui plaisait vraiment la dame, mais mettre sa photo sur internet tout de même.
Il est revenu avec sa photo d'identité un peu jaunie, protégée sous un papier calque. Il est beau Lucien avec une cravate. Il nous a demandé de l'aider à la mettre en ligne, oui, ça y est, il était décidé. Mais au milieu de la manip, Lucien a demandé de tout arrêter, submergé par la panique.
Il est reparti avec sa photo et sa belle amoureuse qui l'attend sans doute encore. Ou pas.
Va-t-il revenir ? On verra demain, nous on est prêt?
En plus de proposer de la musique, des films et des jeux pour consoles, notre particularité c'est notre espace multimédia que le monde entier nous envie. Tout le monde n'a pas un ordinateur à domicile et surtout, même ici à Rochechouart, sous-préfecture et bucolique petit port de pêche, il y a des endroits ou internet passe moins bien qu'au milieu du désert de Mauritanie (information vérifiée).
Du coup, en treize années d'ouverture, on a vu défiler un paquet de gens venus utiliser les ordinateurs et la connexion qui va bien.
Et, de temps en temps, des demandes originales voire saugrenues quand elles ne sont pas incompréhensibles. Comme ce suédois, norvégien ou finlandais qui ne parlait pas français et dont les quelques mot d'anglais-mâtinés-Grand-Nord étaient au-delà de ma comprenette ; ou encore cette vieille femme toute désemparée qui avait besoin de toute urgence d'un billet d'avion pour la Tunisie, qui ne parlait pas un mot de français et qu'un ordinateur et une souris tétanisaient. Je lui ai trouvé son billet, mais lorsqu'elle a refusé de taper elle-même ses codes de carte bleue, la situation s'est quelque peu compliquée.
Et puis, cet été, la plus jolie des demandes.
Lucien (appelons-le Lucien, mais c'est peut-être Raymond ou Philippe) est entré. Jeune homme de presque 70 printemps, la casquette dans la main et la chemise à carreaux. Tout timide, il a tournicoté un peu dans la médiathèque avant d'oser nous aborder, laissant passer un peu de temps et quelques usagers moins impressionnés que lui. Quand il a été certain que personne ne viendrait attendre derrière lui, il s'est approché et nous a dit qu'il se cherchait une amoureuse, qu'il voulait s'inscrire sur un site de rencontre, mais qu'il n'avait jamais touché un ordinateur de sa vie. Bref, il avait besoin de notre aide.
Emouvant Lucien, encore plus avec son sourire et le rose qui est venu aussitôt colorer ses joues.
Cloués sur place, nous ! Ah ben ça !!!
Qu'à cela ne tienne, on est service public ou on ne l'est pas, et comme on dit : à c?ur vaillant rien d'impossible !
Et c'est François (après tout, c'est lui le professionnel des ordinateurs) qui s'est courageusement lancé.
Création d'une boite mail (« Une quoi ????? » a demandé Lucien) et du mot de passe qui va avec (« Pour quoi faire ????? »). Et François d'expliquer, dans un sens puis dans l'autre. Ensuite, ce fut l'inscription sur le site de rencontre dont Lucien avait entendu le plus grand bien. Ce site gratuit devait lui permettre enfin de trouver l'âme s?ur. Quelques explications plus tard, Lucien s'est retrouvé seul face à son destin. Enfin pour l'instant au moins face à son écran, il a commencé ses recherches.
A chaque clic, il implorait notre aide : complètement perdu, il avait repéré une jolie brunette et était déjà terrorisé à l'idée de la perdre. Chacun notre tour, nous avons volé à son secours, mi-amusés, mi-débordés, nous devions aussi gérer son stress et nous dépatouiller dans les méandres d'un site pour le moins inconnu.
Lucien est reparti épuisé, il est revenu le lendemain avec sa timidité et sa gentillesse, s'est reperdu, a recommencé, nous a expliqué qu'il voulait vraiment contacter sa belle mais qu'il n'y arrivait pas.
Impossible d'abandonner à son désarroi cet homme dont le changement de vie ne semblait dépendre que de nous. On a su très vite où ça coinçait : sur ce site, la seule obligation était de poster une photo. Pas de photo, pas de contact. Oui mais voilà, poster une photo de lui, Lucien n'était pas prêt, il n'osait pas, il avait peur. Non pas que la dame ne le trouve pas séduisant, mais que sa photo, une fois sur le net, circule n'importe où et lui cause tout un tas de problèmes. « Vous comprenez, on entend de ces choses »
Alors Lucien est reparti, tout hésitant. Oh, il fallait qu'il réfléchisse, elle lui plaisait vraiment la dame, mais mettre sa photo sur internet tout de même.
Il est revenu avec sa photo d'identité un peu jaunie, protégée sous un papier calque. Il est beau Lucien avec une cravate. Il nous a demandé de l'aider à la mettre en ligne, oui, ça y est, il était décidé. Mais au milieu de la manip, Lucien a demandé de tout arrêter, submergé par la panique.
Il est reparti avec sa photo et sa belle amoureuse qui l'attend sans doute encore. Ou pas.
Va-t-il revenir ? On verra demain, nous on est prêt?